Désinformation lors des élections en Europe : décryptage des campagnes de manipulation des opinions

Le groupe de travail EDMO sur les élections européennes de 2024 publie un rapport sur les discours de désinformation lors des élections de 2023 en Europe, des recherches utiles sur ce qui s’est passé lors des campagne électorales passées lors des votes en 2023…

Près d’un millier d’articles de fake news, faisant l’objet de fact-checking publiés dans le contexte de 8 élections dans des États-membres de l’UE différents

L’analyse révèle une désinformation généralisée au cours des campagnes électorales dans tous les pays considérés, en particulier sur le processus électoral, avec de faux récits visant souvent à délégitimer les élections par des allégations infondées de fraude électorale, d’influences étrangères et de pratiques déloyales. Chaque pays présente également des tendances uniques en matière de désinformation, influencées par les contextes nationaux et les événements mondiaux actuels. Les thèmes clés incluent la guerre en Ukraine, l’économie, le changement climatique et les questions sociales (par exemple, les thèmes de genre, la religion et l’immigration). La nature omniprésente de ces récits souligne leur impact probablement significatif sur les débats démocratiques en Europe et souligne la nécessité cruciale de solides initiatives de vérification des faits et de sensibilisation pour préserver l’intégrité électorale et les valeurs démocratiques.

Classification des faux récits de désinformation sur le processus électoral dans les pays de l’UE en 2023 :

  • République tchèque – élection présidentielle – janvier : les questions militaires et liées à la défense ont occupé une place centrale dans le discours public, tout en étant affectées par une quantité significative de désinformation ;
  • Estonie – élection parlementaire – mars : en amont des élections, des fausses statistiques ont circulé sur les hausses de prix, tandis que des récits de désinformation sur la guerre en Ukraine et le changement climatique ont été largement diffusés ;
  • Bulgarie – élection parlementaire – avril : des vidéos ont été mal interprétées comme des preuves d’ingérence américaine, et des informations fausses ont circulé sur les positions des partis politiques concernant les questions LGBTQ+ ;
  • Finlande – élection parlementaire – avril : des histoires fausses ont porté sur les affiliations politiques des journalistes et la présentation erronée de directives de l’UE sur la performance énergétique des bâtiments ;
  • Grèce – élection parlementaire – mai/juin ( 2e tour) : des images trompeuses ont été utilisées pour propager des rumeurs, notamment sur la Vierge Marie, tandis que des fausses histoires ont cherché à discréditer les LGBTQ+ et les immigrants ;
  • Espagne – élection parlementaire – juillet : la désinformation a touché divers sujets, notamment le changement climatique, l’immigration et les questions LGBTQ+, avec de fausses allégations sur les positions des partis ;
  • Slovaquie – élection parlementaire – septembre : des récits de désinformation ont joué sur les sentiments anti-occidentaux, insinuant la présence de soldats américains ;
  • Pologne – élection parlementaire – octobre : la guerre en Ukraine a été au cœur des fausses histoires, avec des accusations diffamatoires contre les Ukrainiens et des théories du complot sur la guerre.

Paysage de la désinformation affectant les processus pré- et post-électoral à travers l’Europe

Les récits de désinformation sur le processus électoral en tant que tel émerge comme l’un des récits les plus courants, comme la suggestion de fraudes électorales ou de pratiques injustes présumées qui invalideraient les résultats des élections, avec pour objectif apparent de délégitimer les représentants élus démocratiquement.

Aucune des élections examinées n’est exempte de ce type de désinformation, utilisé de manière célèbre par Donald Trump lors de la campagne présidentielle américaine de 2020. Des accusations similaires infondées ont parfois été formulées par des membres nationaux du Parlement. Avant les élections en Slovaquie, par exemple, l’ancien Premier ministre et leader de SMER, Robert Fico, et le président du parti d’extrême droite Republika, Milan Uhrík, ont averti les électeurs d’une possible fraude électorale.

Les affirmations spécifiques utilisées pour suggérer des irrégularités dans le processus électoral étaient très différentes selon les pays où elles étaient diffusées. Les plus courantes font référence à des tentatives présumées d’ajouter ou de soustraire illégalement des votes ; des dysfonctionnements ou des fraudes causés par le vote électronique ou postal ; et des procédures de comptage supposément étranges dans les registres pour augmenter le nombre de votants (par exemple, dépassant celui des résidents locaux).

D’autres fausses affirmations sur les procédures de vote comprenaient l’utilisation de crayons de vote effaçables, des bulletins prémarqués, et même des erreurs survenues réellement dans les isoloirs présentées comme une tentative organisée de manipuler le vote populaire, allant même jusqu’à prétendre que les commissions électorales pouvaient annuler des bulletins à volonté. En Pologne, où un référendum a eu lieu en conjonction avec les élections parlementaires, on prétendait que les deux bulletins utilisés lors des élections seraient agrafés ensemble, forçant ainsi les électeurs à s’exprimer lors du référendum.

Ces prétendues irrégularités ne sont pas seulement liées à la période post-électorale. La désinformation sur le processus électoral était significativement présente même avant le vote. Par exemple, le fait que dans certains pays, le vote postal est possible avant la fin de la campagne électorale a été utilisé par les désinformateurs pour semer le doute et la méfiance envers le vote. Des erreurs triviales ont également été exploitées à cette fin, comme un chronomètre défectueux lors d’un débat électoral, que certains ont prétendu être la preuve d’élections truquées. Des « marques étranges » supposées sur les bulletins de vote, des urnes prétendument déplacées vers des endroits inhabituels ou la possibilité de voter plusieurs fois sont parmi les informations fausses et inexactes potentiellement propagées dans le but de créer de la confusion et/ou d’encourager les gens à commettre des erreurs qui invalideraient leurs votes.

Dans plusieurs pays, des histoires fausses affirmaient que les immigrants ou les réfugiés ukrainiens étaient autorisés à voter, exploitant des sentiments xénophobes pour suggérer une tentative de sous-évaluer les choix politiques des citoyens réels. En Pologne, ces fausses théories circulaient avant et le jour même des élections. En Espagne – le pays où la désinformation sur le processus électoral a été la plus détectée et quantitativement traitée par les vérificateurs de faits – on prétendait également que Pedro Sánchez et le PSOE empêchaient les trains de quitter Valence pour que les passagers ne puissent pas voter, ou que le gouvernement offrait des emplois pendant la campagne électorale pour plaire aux électeurs. Une histoire similaire a également été prouvée fausse en Estonie, impliquant cette fois une prétendue augmentation de salaire pour les fonctionnaires publics.

La tentative de susciter des doutes sur la légitimité du processus électoral est souvent accompagnée d’allégations fausses sur des déploiements « suspects » de forces armées ou d’une prétendue ingérence de pays étrangers et d’organisations. Dans ce sens, le cas le plus significatif est à nouveau celui des élections espagnoles, où des conspirations présumées sur la validité de l’élection ont été diffusées sur divers médias sociaux, y compris TikTok. Des histoires fausses conformes à ce récit prétendaient que les institutions européennes (en particulier la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen) et des États voisins tels que le Maroc faisaient campagne activement en faveur de Pedro Sánchez. Dans ce contexte, le roi Felipe VI a également été faussement accusé d’abandonner la neutralité politique de la couronne pour appeler à l’élection de « progressistes ». D’autres histoires fausses suggéraient des réunions secrètes présumées de l’OTAN visant à manipuler les résultats des élections. De nombreuses histoires fausses alléguant une fraude électorale ont également été largement diffusées après l’élection. Un fact-checking par AFP Fakty (Slovaquie). « Les experts disent que l’enregistrement présumé d’un appel téléphonique entre le leader du PS et un journaliste de l’agence Denník N. montre de nombreux signes de manipulation ». En Bulgarie, une ingérence des États-Unis a été affirmée avec un contenu trompeur. En Slovaquie – un pays où la population est très méfiante à l’égard de l’ingérence occidentale dans les élections, selon un sondage récent – un prétendu appel téléphonique circulait dans lequel Michal Šimečka, le leader du parti social-libéral Progressive Slovakia, discutait avec un journaliste de fraudes électorales. Selon plusieurs experts, il s’agissait d’un audio généré artificiellement.

La désinformation étant étroitement liée aux événements actuels et aux sujets de débat public, des thèmes communs de désinformation peuvent être retracés à travers toutes les élections analysées pour les questions qui ont touché toute l’Europe. En général, les principaux sujets intéressés par les récits de désinformation sont souvent économiques, y compris les impôts, les prêts hypothécaires, le coût de la vie dû à l’inflation ou à la crise énergétique, mais aussi des attentes générales/qualité de vie. Les alliances politiques actuelles et passées sont également souvent le sujet d’histoires fausses. Dans certains pays, les questions de sécurité ou de défense contre l’intervention extérieure sont centrales, souvent en référence à la guerre en Ukraine. D’autres sujets (tels que le changement climatique, les lois et institutions de l’UE, l’immigration) qui sont des cibles bien connues de la désinformation au niveau européen émergent dans le débat public de manière très différente d’un pays à l’autre. Dans certains pays où la religion est une caractéristique prédominante de la vie publique, elle a également été une cible fréquente de désinformation. Dans ces cas, des histoires fausses sur les questions de genre et la communauté LGBTQ+ ont proliféré de manière significative.

Les questions militaires et liées à la défense ont été au centre du discours public et ont été fortement affectées par une quantité significative de désinformation en République tchèque. Andrej Babiš, l’ancien Premier ministre battu au second tour, a tenté de capitaliser sur les craintes associées à l’expansion potentielle de la guerre en Ukraine. Cette question était également centrale dans les récits de désinformation. AFP Na pravou míru (République tchèque). « Un article manipulé propage des mensonges sur les projets de Petr Pavel de rétablir le service militaire ». Plusieurs fausses histoires portaient sur des sujets tels que la réintroduction du service militaire, le déploiement de soldats à l’étranger et à l’intérieur des frontières nationales, et d’autres mesures anti-guerre. Dans ce contexte, plusieurs récits familiers sur la guerre ont été revisités, dont beaucoup faisaient écho à la propagande russe.

Au total, cette recension un peu longue vise à lever définitivement le doute sur la présence hélas généralisée de la désinformation dans les campagnes électorales des démocraties européennes. Certains thèmes sont privilégiés, tels que le climat ou la sécurité, comme des cibles fréquentes de la désinformation pour susciter la peur, semer la confusion et influencer le résultat du scrutin. Les tactiques de désinformation varient, allant de fausses informations sur les politiques à la création de fausses histoires liées à des personnalités politiques, en passant par des allégations de conspiration et des manipulations visant à semer la méfiance.

Des efforts sont indispensables pour contrer la désinformation, que ce soit par le biais de la sensibilisation du public, du renforcement de la cybersécurité, ou de la collaboration entre les gouvernements, les plateformes de médias sociaux et les organisations de vérification des faits.

Élections européennes : comment les partis d’extrême droite montent en puissance sur TikTok ?

Une récente étude menée par POLITICO Europe révèle que les partis politiques d’extrême droite et d’extrême gauche ont su tirer leur épingle du jeu sur TikTok ; mais, ce sont les députés européens d’extrême droite du groupe Identité et Démocratie (ID) au Parlement européen qui se démarquent. Avec les élections européennes approchant à grands pas et l’enjeu de la problématique de la mobilisation des jeunes électeurs, l’Europe politique risque-t-elle de basculer vers l’extrême droite sous l’emprise de TikTok ? Quels impacts sur le paysage politique européen ?

Les euro-députés ID, leaders incontestés sur TikTok

Selon les données recueillies, les députés du groupe ID cumulent 1 383 000 abonnés sur TikTok, en contraste avec les Verts, qui ne comptent que 62 000 abonnés cumulés, tandis que la plateforme dénombre 142 millions d’utilisateurs actifs mensuels dans l’Union au second semestre 2023.

Nombre total de comptes et par groupe politique sur TikTok

De plus, le groupe ID se distingue par une activité plus soutenue sur le réseau, avec près de 3 000 publications entre mi-février et début mars 2024, contre environ 2 000 publications pour les groupes Renew, S&D et la Gauche.

Une stratégie d’influence ciblée pour séduire les jeunes électeurs

Les partis d’extrême droite européens ont bien compris l’importance d’être présents sur TikTok, une plateforme dominée par des utilisateurs en âge de voter. En effet, en 2023, 73 % des utilisateurs à l’échelle mondiale avaient entre 18 et 34 ans.

Nombre de posts total par groupe politique sur TikTok

À deux mois des élections européennes, la mobilisation de cette tranche d’âge s’annonce particulièrement difficile, notamment en France où seuls 42 % des 18-24 ans et 40 % des 25-34 ans ont déclaré qu’ils étaient « certains » d’aller voter.

Une bataille culturelle menée sur les réseaux sociaux »

Pour Romain Fargier, chercheur sur la radicalisation politique au Centre d’études politiques et sociales (CEPEL) de l’université de Montpellier, cité par Politico : « le premier objectif du mouvement d’extrême droite est de gagner ce qu’ils appellent une bataille culturelle ». En maîtrisant les codes de TikTok et en étant très actifs sur la plateforme, les partis d’extrême droite européens parviennent à toucher un public jeune et à influencer le débat politique.

Portées, likes et activités cumulés par groupe politique sur TikTok

Qu’en est-il des candidats aux élections européennes en France ?

Au niveau des principales têtes de liste aux élections européennes en France, le match est très inégal, dominé par la figure de Jordan Bardela qui cumule à la fois le plus d’abonnés 1,2M et de « J’aime » avec 28,4M tandis que la deuxième personnalité la plus « populaire » sur TikTok n’est autre que Marion Maréchal avec 10 fois moins d’abonnés 115,3k et seulement 1,4M de likes, sans oublier, ce qui montre l’avance des forces politiques à la droite extrême, Florian Philippot avec 135,1k abonnés et 1,3M de likes.

Têtes de liste françaises sur TikTok

Derrière le trio de tête de l’extrême-droite, le candidat Raphaël Glucksmann a suspendu son compte au début de la campagne et s’en est expliqué dans la presse, alors qu’il avait 60k abonnés pour se montrer cohérent (enfin ?) avec ses positions très critiques sur la Chine. A gauche, il faut donc compter d’abord sur Manon Aubry avec 41,3k abonnés et 473,3k likes et les comptes quasi anonymes de Marie Toussaint avec 1,3k abonés et 6,5k likes et Léon Deffontaines avec 1,8l abonnés et 23,3k likes.

Reste deux cas à part, d’une part, François-Xavier Bellamy qui est belle et bien présent sur TikTok avec 3,2k abonnés et 40,5k likes mais s’il en critique leur usage dans ses meetings tandis que Valérie Hayer n’est donc plus que la seule à ne jamais avoir encore été activement présente sur TikTok.

Tiktok, terrain de jeu des deepfakes de l’extrême droite avec Amandine Le Pen et Léna Maréchal

Nouvelles stars, les prétendues nièces de Marine Le Pen sont deux deepfakes, des vidéos générées par une IA qui nous font croire que ces jeunes femmes sont les nouvelles égéries politiques, alors qu’elles sont des hologrammes sortis tout droit d’un film de science-fiction : « Prête à défendre la France » et « Chez les Le Pen, on défend l’agriculture française ».

Rassemblement National et Reconquête jurent leurs grands dieux ne pas être derrière cette mystérieuse machination, c’est juste une petite expérience sociale un test grandeur nature pour voir si les Français sont prêts à élire des avatars virtuels plutôt que des êtres de chair et d’os.

Des milliers d’abonnés, des centaines de milliers de likes, même si la modération de TikTok a fini par arriver, un peu trop tard comme pour une fête, où la police débarque quand le gâteau est déjà mangé. Un bel exemple où le mélange entre politique et divertissement.

Quels impacts pour la campagne électorale et le prochain Parlement européen ?

La présence et l’influence des partis d’extrême droite sur TikTok témoignent de leur capacité à s’adapter aux nouveaux médias et à tirer parti des réseaux sociaux pour diffuser leur message et élargir leur audience.

Les élections européennes approchant, la maîtrise des réseaux sociaux et notamment de TikTok devrait jouer un rôle crucial dans la mobilisation des jeunes électeurs, une tranche d’âge souvent difficile à atteindre et à convaincre.

La bataille culturelle menée par les partis d’extrême droite sur les réseaux sociaux souligne l’importance pour tous les autres partis politiques de développer des stratégies de communication adaptées et efficaces pour contrer leur influence grandissante.

La série « Parlement » au cœur de la mobilisation pour inciter à voter aux élections européennes

Comment mobiliser les citoyens, et en particulier les jeunes, à se rendre aux urnes le 9 juin prochain ? L’Institut Jean Monnet et Cinétévé (la société de production de la série « Parlement ») ont choisi de s’appuyer sur la popularité des acteurs et de la série pour créer une campagne d’incitation au vote audiovisuelle, originale et décalée…

La série « Parlement » : un succès populaire au service de la mobilisation citoyenne

Produite par Cinétévé, la série « Parlement » a rencontré un franc succès avec près de 7 millions de téléspectateurs en France et 3 millions en Allemagne. En mettant en scène les acteurs de la série dans de courts clips humoristiques, l’Institut Jean Monnet et Cinétévé espèrent surfer sur ce succès et toucher un large public, en particulier les jeunes.

Les objectifs de la campagne répondent aux enjeux de sensibiliser les jeunes électeurs à l’importance des élections européennes, de les inciter à s’inscrire sur les listes électorales et surtout à aller voter et de promouvoir une image positive et engageante des institutions européennes.

La campagne repose sur la création d’une série de clips humoristiques mettant en scène les personnages de la série « Parlement ». Ces clips, diffusés sur les réseaux sociaux et les médias audiovisuels, jouent sur l’autodérision et l’humour décalé qui caractérisent la série. Cette stratégie vise à capter l’attention d’un large public, notamment les jeunes, à rendre accessible le sujet des élections européennes et à utiliser le pouvoir d’influence des célébrités et des personnages de fiction.

Selon la présentation, huit clips vidéo d’une trentaine de secondes chacun ont été réalisés et présentés lors d’une soirée organisée à Europa Expérience, un espace interactif dédié à l’Union européenne.

Ces clips, dénués de logos et d’inscriptions superflues, ont vocation à être diffusés massivement, en particulier auprès des jeunes. Ils sont disponibles sur un site internet dédié, ainsi que sur les antennes de plusieurs grands médias audiovisuels.

Enseignements pour les campagnes de communication européenne autour des élections

1. L’importance de cibler les jeunes

Les jeunes représentent une part importante de la population européenne, mais leur taux de participation aux élections européennes est traditionnellement faible. Cette campagne de communication montre l’importance de cibler spécifiquement les jeunes et de s’appuyer sur des outils et des médias qui leur parlent, comme la série « Parlement » et les réseaux sociaux.

2. L’humour et l’autodérision : des leviers efficaces pour mobiliser les citoyens

En choisissant d’adopter un ton humoristique et décalé, cette campagne de communication démontre que l’humour et l’autodérision peuvent être des leviers efficaces pour mobiliser les citoyens et les inciter à s’intéresser aux enjeux européens.

3. L’audiovisuel : un média universel pour engager un large public

Cette campagne de communication illustre l’importance de l’audiovisuel comme média universel, capable de toucher un large public et de véhiculer des messages forts et fédérateurs avec un fort engagement émotionnel. Les clips vidéo réalisés dans le cadre de cette campagne sont ainsi accessibles à tous, quelle que soit la langue parlée ou le niveau de connaissance des institutions européennes.

4. Une promotion multicanale et rythmée

Selon Touteleurope, un site parlement2024.eu rassemble les clips ainsi qu’un “kit de campagne” qui permet de partager facilement toutes ces réalisations, sous le format et sur le réseau que l’on souhaite avec un hashtags commun à suivre #Parlement2024 (l’incitation au vote aurait pu être plus directe).

Par ailleurs, plusieurs grands médias audiovisuels devraient diffuser ces clips sur leurs antennes, à l’instar de France Télévisions, TV5 Monde ou France24, mais également sur certaines chaînes de télévision allemandes en en attendant d’autres.

Reste à attendre les résultats attendus, qu’il s’agisse d’augmenter le taux de participation des jeunes électeurs mais aussi de favoriser une prise de conscience de l’importance de l’engagement citoyen et plus largement de renforcer le sentiment d’appartenance à l’Union européenne.

Priorités politiques et attentes des citoyens dans la perspective des prochaines élections européennes ?

Moment démocratique essentiel, les résultats des élections européennes vont forger les prochains choix législatifs et budgétaires « non seulement l’agenda de la future Commission mais plus largement l’orientation de la politique européenne à l’horizon 2030 », selon le Policy Paper de Bruno Cautrès, chercheur CNRS au CEVIPOF et Thierry Chopin, professeur invité au Collège d’Europe pour Notre Europe – Institut Jacques Delors dans « Élections européennes : répondre aux attentes d’une opinion publique fragmentée dans un « nouvel âge des incertitudes » ».

Panorama de l’opinion publique européenne à la veille des élections européennes

Dans la cartographie du soutien à l’intégration européenne, outre « l’effet pays » qui continue de jouer un rôle éminent, il faut compter sur la résilience de la fracture sociale et du « biais sociologique » habituel de « l’effet diplôme », plus puissant que l’effet d’âge ou de génération, tous deux jouent un rôle de catalyseur des opinions.

Le clivage entre opinions positives et négatives des Européens sur l’UE est fortement structuré par une vision optimiste ou pessimiste de l’économie et par la confiance dans l’action publique nationale et européenne : d’un côté un fort soutien pour davantage d’intégration européenne dans de nombreux domaines et à l’opposé, les pessimistes sur l’avenir économique s’opposent à l’intégration européenne et aux actions de l’UE

Typologie des opinions qui regroupe les Européens : 58% d’opinions positives, 32% d’opinions négatives et 10% d’opinions ambivalentes :

  • 10% des Européens très favorables à l’intégration européenne : confiance dans les institutions européennes, optimisme sur l’UE et son avenir ;
  • 8% des Européens, ceux qui ont une opinion « assez positive » vis-à-vis de l’UE mais l’intensité de leur soutien est moins fortement exprimée
  • 10% des Européens « d’indifférents » ou n’ayant pas d’opinions très structurées sur l’UE : « ne sait pas » et « neutres » ou « plutôt défavorables ;
  • 26% des Européens « plutôt ou assez négatives » sur l’UE ;
  • 6% d’Européens « très négatifs » sur l’UE

Les citoyens expriment un intérêt accru pour les prochaines élections européennes :

  1. Une forme de « normalisation » de la vie politique européenne   le débat européen n’est plus réduit au clivage pour ou contre l’Union européenne mais davantage centré sur le projet politique pour toutes les familles politiques ;
  2. Les effets des crises récentes, où la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (36 %) et la santé publique (34 %) sont en tête des thèmes prioritaires devant la lutte contre le changement climatique, le soutien à l’économie et la création de nouveaux emplois (29%) tandis que l’immigration et l’asile (18%) dévissent.
  3. Le primat des inquiétudes socio-économiques pèse sur les entreprises comme sur le pouvoir d’achat des ménages ;
  4. Un « nouvel âge des incertitudes » entre peur du déclassement individuel, insécurité vis-à-vis de la mondialisation et peur du déclassement collectif sur les plans économique, géopolitique et technologique ;
  5. Une prise de conscience de la nécessité de renforcer la coopération européenne et de mener une action commune requise par les biens publics européens, comme la technologie, l’énergie ou encore la politique de sécurité de défense et tous présentent une dimension autant (géo)politique qu’économique.

Difficultés à créer du consensus entre Européens sur la sens de l’intégration européenne

Pour les chercheurs, « non seulement le soutien à l’égard de l’UE est différencié sociologiquement et nationalement, mais plus fondamentalement encore il est clivé sur le sens donné à l’intégration européenne. Il n’est alors pas étonnant de voir apparaître d’importants contrastes entre aspirations et attentes vis-à-vis des politiques publiques européennes ».

Tandis que les citoyens expriment des attentes et des priorités aisées à identifier et considèrent majoritairement l’UE comme une échelle pertinente ; les attitudes des Européens vis-à-vis de l’intégration et des politiques publiques européennes met en lumière une opinion européenne beaucoup plus complexe et fragmentée.

La question du sens du projet politique européen est essentielle car ce qui est en jeu lors des prochaines élections européennes réside précisément dans la possibilité de déterminer les conditions politiques et institutionnelles permettant de forger des politiques communes européennes afin de répondre aux attentes des Européens face aux défis actuels et à venir.

Au total, l’hétérogénéité des préférences transforme la fabrique des récits européens et nationaux vis-à-vis de la construction européenne et disrupte les élections européennes pour faire des campagnes des moments démocratiques de confrontation entre les narratifs politiques en compétition.

Enjeux et défis des élections européennes de 2024

A l’occasion d’une invitation du think tank européen IIEA, the Institut of International European Affairs, le professeur de droit européen à la chaire Jean Monnet à HEC Paris, Alberto Alemanno, s’est interrogé sur comment rendre intéressant aux médias et aux citoyens les élections européennes de juin prochain ?

Enjeux en route vers les élections européennes de 2024 : une démocratie sans politique

A la question quelque peu provocante de savoir ce que les Européens ne font vraiment jamais ensemble, la seule réponse, en vrai, c’est la politique. Pour les élections européennes, les Européens vont voter à des jours différents, pour des partis nationaux, sur des programmes nationaux et avec des candidats nationaux. Il s’agit d’une compétition domestique, qui est artificiellement agrégée ex-post au sein d’une institution européenne, le Parlement européen.

Toujours ni système européen de partis politiques, ni espace public européen. D’une part, les partis politiques existants sont des alliances légères, sans que quiconque sache qu’elles sont les affiliations des partis politiques nationaux au niveau des groupes politiques du Parlement européen, souvent méconnu avant le résultat et parfois encore après le scrutin. D’autre part, les actualités européennes sont encore largement traitées sous l’angle et les intérêts nationaux.

Par conséquent, l’Union européenne ne souffre pas d’un déficit démocratique, mais d’un déficit d’intelligibilité. Pour le dire autrement, dans l’UE, chaque décision est démocratique mais aucune décision n’est compréhensible, débouchant sur un anti-modèle de démocratie sans politique.

Défis des élections européennes de 2024 : européanisation de la politique

La démocratie européenne sans politique n’est pas sans conséquences. D’une part, un manque d’affectation des responsabilités. Par exemple, au sujet du programme du Green Deal, qui est vraiment responsable des succès ou des échecs, et donc pour qui voter pour approuver ou sanctionner. D’autre part, la politique n’existe pas de manière transnationale, alors que l’européanisation avance plus vite que la politique. Pour le comprendre, deux chiffres illustrent la situation : alors que seuls 3% des citoyens résidents dans un autre pays que celui de leur nationalité dans l’UE, 50% des Européens au contraire sont exposés quotidiennement au projet européen.

Le principal défi des élections européennes de juin prochain réside dans l’européanisation du scrutin. Ce qui veut dire que la première règle, c’est d’embrasser toute forme timide mais nécessaire de parlementarisation. Cela requière que les décisions doivent tenir compte des résultats électoraux dans les prochaines nominations aux principaux postes de responsabilité dans l’UE ; et que la Commission européenne soit responsable devant le Parlement européen.

Le principe des Spitzenkandidaten, que les familles politiques choisissent leur tête de liste choisie en fonction du résultat des élections européennes pour présider la Commission européenne est en question. Seul Juncker, en 2014, est le seul et unique Spitzenkanditat tandis qu’en 20219, les libéraux n’avaient même pas participé, à cause d’En Marche se situant à mi-chemin entre le Fidesz et La Legua.

Pourquoi les citoyens devraient-ils aller voter s’ils n’ont aucun impact, ni sur les politiques publiques, ni sur les leaders politiques en Europe ?

La tentative de modifier la loi européenne pour une réforme électorale a échoué, c’était la première promesse de la nouvelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, mais elle n’a même pas été considérée pendant toute la mandature. Tous les amendements pour européaniser le scrutin comme les listes transnationales et les Spitzenkandidaten ont été rejetés.

Le réveil après les élections prendra du temps puisque les élections courent du mercredi au lundi matin. Le premier résultat attendu est la baisse des partis sortants des principales forces politiques du PPE, des S&D et de Renew, tandis que les Verts seront le plus lourdement sanctionnés et risquent d’être les premiers perdants. Le second résultat sera la progression des députés européens non rattachés à des groupes politiques ainsi que l’extrême droite divisée entre les groupes ID et ECR. Le troisième résultat sera que 58% des députés européens sont des nouveaux élus sans mandat précédent, ce qui pourrait être aussi un facteur déterminant pour la suite.

Les prédictions sont doubles. D’une part, une plus grande européanisation puisque la présidente de la Commission européenne, accidentelle s’étant montrée résiliente, se positionne comme la candidate du TINA, il n’y a pas d’alternative faute de meilleur candidat, endosse le rôle de tête de liste du PPE. D’autre part, une dé-européanisation se manifeste tant par l’absence de partis politiques transnationaux que par l’absence de candidats européens dans d’autres pays que les leurs.

Le risque d’une paralysie de l’ensemble du cycle politique est à craindre. Avec des Commissaires européens nommés par des partis populistes, le défi pour une institution ou le consensus du collège des Commissaires est déterminant est mis en risque, au point de perdre l’intérêt européen qui devrait être au cœur de l’institution supranationale dominée par les intérêts nationaux. Le soutien politique plus faible risque de réduire la capacité de la Commission européenne à produire des décisions politiques, rendant tout plus difficile à négocier et moins facile à délivrer.

Au final, assisterons-nous à un réveil tardif des partis politiques traditionnels pour sauver le projet européen ou au contraire prenons-nous le risque d’une prise d’otage par les populistes qui risquent de paralyser la capacité à produire des politiques publiques européennes, voire à mettre en danger la nature même du projet européen.